Alors que le procès Kerviel a été jugé en appel et qu’un pourvoir est en cours en cassation ,des zones d’ombres subsistent.
Notamment le rôle du ministère de l’économie. En effet, on le sait peu mais suite à la perte de 4,9 milliards d’euros déclarée par la Société Générale, la banque a touché un chèque de 1,7 milliards d’euros, correspondant à 30% de la perte.
Ceci en vertu d’un mécanisme qui aide une entreprise qui a subi une fraude. Encore faut-il cependant que la Banque ait été trompée… et il semble difficile de croire que la direction n’a pas vu les placements pour… 50 milliards d’euros du trader. Et si il y a négligence, alors le remboursement de 1,7 milliards n’est plus légitime.
On parle là de 25€ par Français. Cela vaut bien une petite enquête!
Article à lire dans Libération: http://www.liberation.fr/politiques/2013/06/21/julien-bayou-il-faut-lever-les-zones-d-ombres-sur-l-affaire-kerviel_912769
Julien Bayou : «Lever les zones d’ombres sur l’affaire Kerviel»
Par KIM HULLOT-GUIOT
Julien Bayou, conseiller régional d’Ile-de-France EE-LV, va s’engager aux côtés de l’ex-trader de la Société générale Jérôme Kerviel, qui passera aux prud’hommes le 4 juillet. L’élu demande la lumière sur le 1,7 milliard d’euros que l’Etat a versé à la Société générale.
Après Jean-Luc Mélenchon sur son blog hier, vous vous apprêtez à vous engager à votre tour dans la défense de l’ancien trader Jérôme Kerviel. Quel est le sens de votre démarche ?
Au-delà de l’affaire Kerviel, il y a peut-être une affaire Société générale. Concernant Jérôme Kerviel, sa vie est broyée, mais le préjudice pourrait aller au-delà de sa personne. Quand une fraude est commise dans une entreprise, elle doit prouver que la hiérarchie n’était pas au courant — ce que j’ai du mal à croire — et qu’il n’y a pas eu de défaut de contrôle. S’il y a eu défaut de contrôle, c’est d’ailleurs un problème en soi.
Lorsque l’entreprise a prouvé tout cela, l’Etat lui fait un chèque équivalent à un tiers de ses pertes. Or, le ministère de l’Economie a fait ce chèque sur les seuls dires de la hiérarchie de la Société générale. L’Etat a donc versé 1,7 milliard d’euros, sur les fonds publics, à la banque. Cela représente un quart du budget de la ville de Paris et presque deux fois celui de la culture ! C’est comme si chaque Français donnait 25 euros à la Société générale…
Le ministère de l’Economie est censé, justement, faire des économies. Nous n’avons pas trop de milliards qu’on pourrait dépenser autrement. Vérifier aurait été le minimum. Cela n’a pas été fait, et le remboursement a eu lieu avant même que la justice ne condamne Jérôme Kerviel.
Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que les vérifications n’ont pas été faites?
C’est ce qui s’est dit aux audiences. L’Assemblée nationale, à travers une commission d’enquête parlementaire, pourrait demander vérification. La Cour de cassation ou le ministère de l’Economie auraient pu intervenir.
Il y a une boîte noire dans cette histoire que la Justice devrait mettre au jour. Dans les témoignages de responsables de la Société générale versés au dossier, des passages ont été coupés. Ils pourraient révéler que la hiérarchie était au courant, ce qui invaliderait le remboursement par l’Etat.
On vous a peu entendu jusqu’ici sur le cas Kerviel. Pourquoi vous en faire porte-parole aujourd’hui ?
Je ne suis pas son porte-parole. Mais il passe bientôt aux prud’hommes, c’est l’occasion de mettre le sujet en avant. Mon engagement s’inscrit dans la lignée des actions du collectif Sauvons les riches, qui milite pour la régulation bancaire. De la même façon, j’étais monté au créneau quand le PS, la mairie de Paris et l’UMP avaient passé un accord sur les emplois fictifs de l’ère Chirac. Il aurait dû être jugé.
Il faut faire l’inventaire de ce quinquennat très violent en termes politiques, et extrêmement louche en affaires: Guéant, les doutes sur le rôle de Lagarde dans l’arbitrage, la succession Wildenstein, celle de Cesar – qui avait eu un étrange rabais sur les impôts sur héritage… mais aussi l’affaire des sondages, Bettencourt, ou même Karachi. Il faut faire toute la lumière la-dessus. C’est le rôle du gouvernement en place.
Au-delà du cas personnel de Jérôme Kerviel, encore une fois, il y a peut-être un énorme loup que personne n’a vu. François Hollande s’était étonné que le contribuable paie la note. En 2008, la Société générale a été condamnée pour défaut de contrôle, peu après l’affaire. Mais le chèque, qu’elle n’aurait pas dû toucher, avait déjà été fait.
Comment avez-vous été approché pour apporter votre aide à la défense médiatique de Kerviel ?
J’ai été approché par son conseil, mais je suis l’affaire de près depuis longtemps : c’est un vertige de chiffres incroyables, les attendus du procès le sont aussi. On m’a proposé de rencontrer Jérôme Kerviel, je ne voulais pas manquer une occasion comme ça de demander la lumière sur cette affaire. Nous sommes à un moment clef : s’agit-il d’une responsabilité personnelle ou d’un problème systémique ? Les dépôts des particuliers sont joués en Bourse, cela permet de spéculer sur les matières premières, d’accroître les prix alimentaires. C’est un problème qui touche toute la société, en France et en Europe.
Le but de l’opération, c’est de faire de Jérôme Kerviel un symbole de la lutte contre la finance ?
Je n’ai pas envie de me positionner sur son innocence ou pas. Je trouve juste trop gros qu’il soit le seul à payer. Les faits se sont déroulés en 2008, via des supports informatisés : je ne crois pas que 50 milliards d’euros ne se voient pas. C’est une vraie zone d’ombre.
Vous vous retrouvez dans cette bataille aux côtés du leader du Front de Gauche, mais sur des positions un peu différentes…
Je ne suis pas sur sa position, à parler d’affaire Dreyfus – Jean-Luc Mélenchon est d’ailleurs beaucoup plus cultivé que moi. Je ne parle pas de son innocence. Moi, je suis sur l’inventaire du sarkozysme et sur la régulation bancaire. Maintenant, me retrouver à ses côtés ne me pose pas de problème particulier ; nous avons d’ailleurs été côte à côte pour la défense de Xavier Mathieu, qui avait refusé que son ADN soit prélevé– tout comme moi. Je souhaiterais juste qu’on soit plus nombreux à s’interroger sur l’affaire de la Société générale. Ça va venir.
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